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Alucam, entre engagement social et négligences environnementales


Auteur du dossier : Joseph de Vitry
(Institut pour l'Histoire de l'Aluminium (IHA))


Inspirée du modèle en vigueur dans les usines européennes de Pechiney, la politique sociale d’Alucam apparaît plus complète et volontariste, du fait de la rareté des infrastructures préexistantes. De ce fait, l’entreprise est pionnière en Afrique pour son modèle social. Mais dans le contexte colonial, puis dans un pays encore peu concerné par les questions d’écologie, elle néglige son impact sur son environnement.



Avant même l’ouverture de l’usine, la construction de la centrale hydroélectrique ne s’est pas faite sans impact social et environnemental. Les habitants des terres d’Edéa, les Adiè, qui pratiquaient une économie de subsistance basée sur l’agriculture, la chasse et la pêche, furent dépouillés de 187 hectares, obligés de déménager et de quitter leurs terres cultivables sans indemnités.

L’impact négatif sur les populations traditionnelles s’accompagne de négligences environnementales de la part d’Alucam, alors même que Pechiney commence à se préoccuper de la question dans ses usines françaises. La pollution de la Sanaga au fluor est longtemps niée par l’entreprise, car moins visible que dans les vallées alpines et pyrénéennes, du fait du climat chaud et humide d’Edéa. Ce n’est que dans les années 1980 qu’Alucam investit pour limiter les rejets de fluor et de gaz, qui restent malgré tout plus élevés que dans les autres usines du groupe Pechiney.

Mais ces négligences ne doivent pas masquer les efforts fournis par Alucam sur le plan social, salués et soutenus par les autorités camerounaises. Inspirés de la politique sociale européenne paternaliste de Pechiney, qui vise à fidéliser les ouvriers en améliorant leurs conditions de vie, ceux-ci se concrétisent en premier lieu par la construction de logements destinés au personnel : la cité des Palmes pour les cadres, exclusivement européens dans les premières années de l’entreprise, la cité de Bilalang pour les ouvriers et employés, le camp des gardes pour les gardiens et la cité du Fromager destinée au personnel célibataire.
À ces facilités de logement s’ajoute une politique sanitaire et sociale ambitieuse, l’usine étant dotée d’un hôpital pourvu d’une maternité, d’un centre médico-social, d’écoles et de jardins d’enfants. Alucam cherche aussi à créer un esprit d’entreprise, là encore calqué sur le modèle européen, à travers la création de clubs de sport pour les ouvriers et d’une revue destinée aux employés, le Bulletin Alucam. La politique salariale est également favorable aux ouvriers, les revenus étant bien supérieurs au salaire minimum camerounais, bien qu’ils restent extrêmement faibles comparés aux salaires européens. L’engagement social se poursuit jusque dans les années 1990, lorsqu’Alucam est l’une des premières entreprises africaines à engager la lutte contre le Sida et à prendre en charge les trithérapies en faveur de ses employés touchés par l’épidémie.
 




 
Date de mise en ligne : 23 septembre 2013
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