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Un investissement d’envergure dans le Cameroun colonial


Auteur du dossier : Joseph de Vitry
(Institut pour l'Histoire de l'Aluminium (IHA))


Inaugurée en 1957, trois ans après le démarrage du chantier de construction, l’usine d’Édéa représente un investissement de 9,125 milliards de Francs CFA, partagé entre Pechiney et Ugine. Elle propulse le Cameroun au rang de premier pays producteur d’aluminium en Afrique et transforme une brousse en cité industrielle.



Première usine africaine du groupe Pechiney, l’usine d’électrolyse d’Édéa, édifiée à l’ouest du Cameroun, à 60 kilomètres de la côte en bordure du fleuve Sanaga, est conçue selon une logique différente de celle qui prévaut dans ses usines métropolitaines, qui regroupent à une échelle nationale les mines de bauxite, les usines d’électrolyse, et les usines de transformation. Les deux principaux avantages du Cameroun sont la stabilité politique et institutionnelle liée à la présence française et l’abondance des ressources hydroélectriques dont il dispose, grâce à la construction récente de la centrale d’Édéa par la société d’Énergie électrique du Cameroun (Enelcam). L’alumine, importée dans un premier temps de France, provient ensuite de Fria, en Guinée, où Pechiney dispose dès 1960 d’une usine qui transforme la bauxite guinéenne, plus facile à exploiter que les ressources camerounaises. Enfin, l’aluminium produit à Édéa est en quasi-totalité destiné à l’exportation vers les usines de transformation européennes, sous forme de lingots, plaques de laminage et billettes. Maillon indispensable de ces échanges internationaux, le port de Douala est relié par une voie ferrée à l’usine d’aluminium. En 1958 est créée la Compagnie de la Sanaga, société maritime chargée d’exploiter deux navires aluminiers : le Paul Héroult et le Sainte-Claire Deville.

 

 

En période de décolonisation, Pechiney obtient du gouvernement français l’assurance d’un soutien ferme à Alucam, même en cas de changement de statut du Cameroun. L’Assemblée Territoriale du Cameroun et le haut-commissaire accordent à l’entreprise des avantages fiscaux, notamment l’exemption de droits de douanes pour les matières premières importées destinées à être réexportées après transformation. L’usine attire une main-d’œuvre bon marché venue de l’arrière-pays d’Edéa, mais aussi, parfois, de régions plus lointaines comme le Nord Cameroun ou le Tchad voisin.

Les 220 cuves d’électrolyse Söderberg de 100 000 ampères, identiques à celles de l’usine Pechiney de Saint-Jean-de-Maurienne, permettent une capacité de production de 55 000 tonnes par an. En 1981, elles sont transformées, sur le modèle de l’usine de Lannemezan, en cuves précuites de 120 000 ampères, et Edéa accueille 54 cuves supplémentaires, portant la capacité de production à 82 000 tonnes.

Cette nouvelle implantation industrielle suppose un effort d'adaptation au contexte environnemental et climatique camerounais, qui ne va pas sans risques. Certes, l'usine d'Édéa est aménagée pour favoriser l'aération et éviter que le matériel ne soit endommagé par la très forte humidité. Mais Alucam souffre dès son ouverture de graves déficits en électricité en saison sèche, le fleuve Sanaga qui alimente la centrale hydroélectrique ayant alors un débit bien trop faible pour répondre aux besoins d'une usine d'aluminium. Ce problème perdure jusqu'à aujourd'hui, malgré divers aménagements destinés à accroître la production d'électricité et à réguler le débit du fleuve Sanaga.




 
Date de mise en ligne : 23 septembre 2013
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